They shoot the piano player,
Fernando Trueba,
Animation documentaire, Musical
En résumé :
Un journaliste de musique new-yorkais mène l’enquête sur la disparition, à la veille du coup d'État en Argentine, de Francisco Tenório Jr, pianiste brésilien virtuose. Tout en célébrant le jazz et la Bossa Nova, le film capture une période éphémère de liberté créatrice, à un tournant de l’histoire de l'Amérique Latine dans les années 60 et 70, juste avant que le continent ne tombe sous le joug des régimes totalitaires.
En détail :
Porté par la voix de Jeff Goldblum, le film d’animation nous emmène dans les bars de Rio où la bossa-nova est née. Un long-métrage aussi magnifique que captivant.
Quand il apprend l'histoire du grand pianiste brésilien de bossa-nova Francisco Tenorio Junior, disparu mystérieusement à Buenos Aires à l'âge de 34 ans, au moment du coup d'État de 1976 en Argentine, Fernando Trueba mène l'enquête. « J'ai filmé plus de 140 interviews dans plusieurs pays avec ses amis musiciens comme Caetano Veloso et Milton Nascimento. J'avais toutes ces heures et ces heures d'images et je ne les montais pas. J'avais l'impression de connaître Tenorio encore mieux que sa famille et la police. Il était devenu mon ami ».
Vient alors le déclic créatif : plutôt que de faire un énième documentaire ou biopic, Trueba décide de faire un film d'animation avec un ami, le dessinateur Javier Mariscal. Les deux complices, âgés respectivement de 69 et 73 ans, n'en sont pas à leur premier « coup animé ». Dans le magnifique Chico et Rita, sorti en 2010, ils avaient redonné vie aux grands artistes de la musique cubaine, entre New York et La Havane. Dans They Shot The Piano Player, clin d'œil à Tirez sur le pianiste de François Truffaut et à la Nouvelle Vague dont il est un fervent admirateur, Fernando Trueba s'invente un alter ego fictif, un journaliste américain du New Yorker, auquel Jeff Goldblum (La Mouche, Jurassic Park, Independance Day…) prête sa voix.
L'animation permet toute sorte de liberté. « Ce n'est pas mon langage initial, mais c'est quand même incroyable de pouvoir faire revivre des musiciens morts. Par exemple, on sait qu'Ella Fitzgerald a chanté dans un cabaret de Rio, mais il n'existe pas de telles images. Je ne me suis pas privé de la faire remonter sur scène », s'amuse Fernando Trueba. Face à lui, casquette plantée sur des cheveux gris, Javier Mariscal acquiesce dans un sourire : « Grâce au dessin, on peut se plonger dans les nuages de souvenirs des personnes interviewées par Fernando. »
Célèbre en Espagne, le graphiste, critique inlassable du régime de Franco dans les années 1970 et qui a notamment créé les mascottes Cobi et Petra des Jeux olympiques de Barcelone de 1992, a le talent pour nous plonger dans l'atmosphère nostalgique du Rio des années 1960.
Tantôt thriller, tantôt enquête journalistique ou récit historique, le long-métrage, qui s'appuie sur des faits bien réels, oscille entre réalité et fiction. Il nous emmène dans les bars enfumés où la bossa-nova naît, en compagnie de Gilberto Gil, Caetano Veloso, Chico Buarque… Ces monstres sacrés sont dessinés mais, lorsqu'ils parlent, c'est avec leurs vraies voix. Les décors varient, des rues de New York à celles de Copacabana ou du centre-ville de Buenos Aires.
La musique de Francisco Tenorio Jr. qui a joué avec les plus grands musiciens mais a enregistré de son vivant un seul album sous son nom, Embado, porte le film. Les couleurs explosent quand les musiciens jouent, qu'Ella Fitzgerald « scatte » à Rio, mais se noircissent lors de la visite de l'École de mécanique de la marine, où l'on torturait les opposants à la dictature argentine. Avec They Shot The Piano Player, cocktail de genres cinématographiques aussi sucré qu'explosif, le cinéaste rend hommage à une période foisonnante et livre une formidable déclaration d'amour à la musique. Un film beau et libre, comme un solo de jazz.