Film : El profesor

6 €
Localisez Cinéma - Le Parvis

El profesor,

María Alché et Benjamín Naishtat,2024, 1h 50mn

Comédie, drame

En résumé :

Professeur terne et introverti, Marcelo enseigne depuis des années la philosophie à l’Université de Buenos Aires. Un jour, se présente enfin l’occasion de briller : suite au décès de son mentor, il est pressenti pour reprendre sa chaire. Mais voilà que débarque d’Europe un autre candidat, séduisant et charismatique, bien décidé à lui-aussi briguer le poste.

Plus de détails :

Professeur terne et introverti, Marcelo enseigne depuis des années la philosophie à l’Université de Buenos Aires. Un jour, se présente enfin l’occasion de briller : suite au décès de son mentor, il est pressenti pour reprendre sa chaire. Mais voilà que débarque d’Europe un autre candidat, séduisant et charismatique, bien décidé à lui-aussi briguer le poste.

Après le thriller paranoïaque Historia del miedo (2014) et le polar politique Rojo (2018), Benjamín Naishtat s'embarque dans une comédie grinçante autour du portrait iconique d'un universitaire malchanceux chargé de contradictions face à un rival charismatique et cynique. Le cinéaste partage pour l'occasion la réalisation avec Maria Alché qui débuta pour la première fois dans le cinéma argentin en tant qu'actrice dans le rôle principal inoubliable du film de Lucrecia Martel La niña santa (2004).

Manifestement, le plaisir de diriger des acteurs et des actrices particulièrement inspirés animent les deux cinéastes, avec une succession de personnages savoureux qui s'exposent sur la large scène de la comédie humaine. Bien que le rôle principal apparaisse au premier abord sympathique, il ne cesse d'être tourné en ridicule dans une succession de scènes où il cumule les maladresses.

La charge de l'ironie vise ici avant tout à tourner en dérision la futilité de personnages en quête de reconnaissance, à l'heure où la philosophie devient une marchandise comme une autre dans le monde néolibéral. L'engagement politique du milieu universitaire qui a marqué ces dernières décennies en Argentine se retrouve également en toile de fond de farce corrosive opposant deux personnages antagoniques joués avec un plaisir profond et communicatif par Marcelo Subiotto et Leonardo Sbaraglia.

El Profesor est un long métrage signé à quatre mains. Le film est coréalisé par la cinéaste María Alché, qui s’est fait connaitre il y a une vingtaine d’année en interprétant le rôle principal de La Niña santa de sa compatriote Lucrecia Martel, et par Benjamin Naishtat, auteurs des brillants Historia del miedo et Rojo. Couple à la ville, le duo travaille pour la première fois ensemble derrière la caméra, et le résultat ne ressemble pas vraiment aux films précédents de l’un ou de l’autre. Le sérieux et l’ambition narrative de leurs œuvres précédentes laissent place à un genre inattendu pour le duo : une comédie.

Mais pour qui suit l’évolution contemporaine du cinéma argentin, ce virage n’est peut-être pas une si grande surprise que cela. Dans les années 2000, une nouvelle génération de cinéastes (avec Martel à sa tête) venait remettre leur pays sur le devant de la scène du cinéma d’auteur à coups de portraits métaphoriques, politiques et noirs. Le ton particulier qu’avaient en commun beaucoup de ces films s’est tari, le cinéma de chacun a évolué et de nouveaux cinéastes sont arrivés (Moguillansky, Llinás, Citarella…) avec un vent de folie rendant leurs œuvres souvent imprévisibles et cocasses. S’il n’appartient pas à la même famille méta-narrative que ces derniers, El Profesor fait partie de ces films argentins qui ont intégré le pouvoir narratif de l’humour, tout en le (mal)traitant à leur manière.

A propos d’El Profesor comme d’autres films argentins tout frais de 2023 (La practica, Arturo a los 30 ou d’une certaine manière d’A dentro, me voy bailando on pourrait parler de comédie dépressive. Dans la première scène du long métrage, un homme fait un AVC mais la musique qui accompagne ce moment évoque celle d’une sitcom familiale. A l’aide d’un habillage musical gentiment décalé, de fondus au noir à l’ancienne, la mise en scène d’ Alché et Naishtat propose plusieurs petits pas de côté qui mélangent sourire et malaise. Ou plutôt qu’ils superposent l’un à l’autre dans un même ton.

 

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